Malgré une météo maussade, nous étions une petite vingtaine autour de Hugo dans le verger palissé. Après un apport théorique conséquent (voir deuxième partie de cet article), nous avons œuvré à la mise en forme de cette zone du verger.
Particularités d’un verger palissé
Un verger palissé est mené par la main de l’arboriculteur. Les arbres y sont amenés à se développer selon des formes bien précises, en général en deux dimensions. Pour ce faire, on guide les branches par des structures et on procède à des tailles au moins deux fois par an. L’entretien d’un verger palissé nécessite des connaissances particulières. C’est tout un art !
Ce mode de culture existe depuis plusieurs siècles (Versailles, cloîtres…). Outre son côté esthétique, il présente nombre d’avantages : son faible encombrement permet d’obtenir des fruits dans un espace restreint (le long d’un mur ou d’une allée par exemple). Les arbres fruitiers palissés sont rapidement productifs ; la faible épaisseur du feuillage favorise l’ensoleillement et la bonne maturation des fruits. Les arbres sont bas et la cueillette des fruits est facile. La contrepartie est une longévité moindre et l’obligation à un entretien très régulier si l’on ne veut pas que le développement naturel de l’arbre reprenne le dessus.
Vous avez sans doute déjà observé que la grande majorité des vergers professionnels utilisent ces techniques. En effet, les vergers palissés sont totalement adaptés à l’arboriculture intensive (facilité du passage des machines pour l’entretien, intensification de la production, facilité de la cueillette).
Quelles formes pour le verger de la Sourderie ?
Il existe une très grande variété de formes possibles et la littérature à ce sujet est abondante (voir bibliographie). Certaines sont faciles d’entretien, d’autres nécessitent un travail d’orfèvre. Hugo nous a présenté un certain nombre de possibles, et nous a laissé toute latitude pour décider de celles que nous voulions retenir. Comme d’habitude dans ce verger participatif, la diversité a gagné !
Notre point de départ était le suivant : des fils de palissages horizontaux avaient été tirés après la plantation. Certains des arbres plantés avaient déjà subi une taille de formation. D’autres (scions) se présentaient sous forme d’une seule branche verticale. D’autres avaient des ramifications dans tous les sens et le jeu consistera à les ramener à une pousse en deux dimensions seulement. Après décision de la forme à leur donner, nous avons posé des bambous pour guider leur croissance et commencé à en fixer certains.
La prochaine étape aura lieu en novembre. Les scions seront taillés parfois très bas. On laissera uniquement les rameaux jeunes et concernant la forme que l’on a choisie. On profitera de leur souplesse pour les fixer sur les supports.
Objectif de l’atelier
Parmi les formes retenues, certaines sont symétriques, comme par exemple cette palmette oblique déjà formée. Ses tiges sont orientées à 45° de part et d’autre de la tige centrale.
Il existe aussi des palmettes en U, dont la forme « Verrier » en devenir. La photo montre le scion (arbuste droit) entouré de 4 bambous. Le résultat escompté est sur le schéma en bas à droite.
La symétrie de ces formes va nécessiter un travail particulier si l’on veut la préserver tout au long de la vie de l’arbre. De temps en temps , il sera nécessaire de détacher une branche trop vigoureuse de son palissage et de la coucher une saison ou deux pendant que la branche symétrique plus faible récupère sa vigueur.
D’autres formes seront plus faciles à conduire car asymétriques. C’est le cas du drapeau marchand : la branche principale est inclinée à 45° et les branches secondaires partent à 45 degrés de cette dernière.
Autre forme : les croisillons : deux arbres de même espèce vont entremêler leurs branches pour former des croisillons. Les branches peuvent même parfois se souder entre elles .
Certaines formes sont irrégulières : la palmette à la diable : on part d’un arbuste qui n’est pas plan ; on ménage ce qui est dans le bon plan, on essaie de répartir au mieux toutes les branches, sans souci géométrique. La pousse spontanée de l’arbre est davantage respectée et les coups de sécateurs sont plus rares que pour les autres formes.
Pour aller plus loin : l’art du palissage
Les curieux trouveront dans cette partie les explications données par Hugo, qui permettent de mieux comprendre la vie des arbres et le rôle des contraintes qu’on leur impose lors du palissage.
Comment un arbre grandit-il ? La dominance apicale
Un arbre grandit par l’extrémité de ses branches, selon un schéma répétitif : un bourgeon, un bout de tige, une feuille, un bourgeon,…Seul le bourgeon au point le plus haut (donc souvent au bout) de la branche se développe, les autres ne reproduisent pas ce schéma : ils sont latents. Ce bourgeon qui se développe est appelé bourgeon apical. La tige qu’il va produire va permettre à l’arbre de capter la lumière solaire indispensable à la photosynthèse. Les arbres sont sensibles à la gravité, et à l’intérieur de l’arbre il s’établit un système de communication pour désigner le bourgeon apical (celui qui va faire de la pousse) et donner l’ordre aux autres bourgeons de rester en sommeil : c’est la dominance apicale. (il s’agit d’une communication chimique très complexe par déplacement d’hormones, avec des émetteurs récepteurs un peu partout dans la plante). Un arbre a ainsi tendance à pousser en hauteur, vers la lumière.
Et la fructification alors ?
Les bourgeons à fruit sont différents des bourgeons qui vont faire du bois. Ils apparaissent sur le bois anciens, mais pas très loin de la zone de pousse. Sur un arbre qui se développe librement on constate que les fruits se forment plutôt vers le haut, sur le dernier tiers de la branche environ. Sortez vos échelles pour la cueillette !
C’est entre autres pour permettre aux fruits de se développer à portée de main que l’on palisse les fruitiers. Le palissage tente de trouver un compromis entre respecter le besoin vital de pousse de l’arbre et le besoin humain d’avoir des fruits.
La première étape se fait dans le choix du porte-greffe : on va greffer la variété fruitière sur des porte-greffes qui permettront de limiter la croissance en bois. La deuxième étape appartient à la technique de taille : on va gérer la circulation de la sève pour favoriser la mise à fruits. De la sève, ou plutôt, des sèves.
Deux systèmes de circulation de sève.
Un arbre pour vivre a besoin d’eau, d’azote, de carbone et de quantité d’autres nutriments. L’azote et les nutriments minéraux se trouvent dans le sol et sont absorbés par les racines grâce à leur interaction avec champignons et bactéries. Le carbone est puisé dans l’air, grâce aux rayons du soleil, via le phénomène de photosynthèse. Toutes ces nourritures sont transportées par la sève. Ou plutôt, les sèves car on comprend bien qu’il y a une circulation qui part des racines et une autre qui part des feuilles.
La sève brute véhicule l’eau, l’azote et autres nutriments puisés dans le sol. Elle part des racines vers le haut de l’arbre et circule dans le cœur des branches grâce à un phénomène de pression, les racines agissant un peu comme une pompe.
La sève élaborée transporte entre autres les sucres fabriqués grâce à la photosynthèse. Elle se déplace dans un réseau situé sous l’écorce fine, distinct de celui de la sève brute. Elle se diffuse dans les organes de l’arbre par gravité. Ces derniers se servent au passage : plus on est en bas de l’arbre et moins la sève est riche en sucres. Ce qui explique que les fruits, qui ont besoin de ce sucre, vont se développer dans les parties hautes de l’arbre (mais pas tout en haut, car les bourgeons à fruits se forment sur du bois ancien). A l’approche de l’hiver, la sève élaborée permet de stocker dans les racines des nutriments qui permettront la reprise printanière.
Charpentières (structure) et coursonnes (fruits)
Un arbre palissé comporte deux types de branches : les branches dites charpentières, et les coursonnes.
Les charpentières donnent la structure de l’arbre (palmette, drapeau marchand, voir première partie). On les forme pendant la jeunesse de l’arbre, on va les laisser s’étendre mais en conservant la forme initiale.
De petites branches vont prendre naissance sur les charpentières. On leur donne le nom de coursonnes. Elles vont porter les fruits. Par la taille et le palissage on va les répartir sur l’arbre de manière à avoir des fruits partout et non uniquement au bout des branches. Comme la sève élaborée descend par gravité, on va orienter les coursonnes d’un angle d’environ 45° pour ralentir la descente de cette sève et faciliter sa diffusion dans toutes les parties de l’arbre, les plus basses y compris.
La taille en vert, qui a lieu en été, permet elle aussi de drainer la sève vers les zones de production de fruits plutôt que vers les zones de production de feuilles et de bois.
La taille en vert
Elle concerne les rameaux de l’année, identifiables par leur couleur vert pâle et leur souplesse. En raccourcissant ces rameaux, elle permet de rapprocher les bourgeons à fruit des charpentières et de limiter le développement du bois « inutile ». On la pratique plutôt quand les arbres sont en fructification et ont déjà un certain âge. Elle a lieu fin juin, début juillet. À cette époque la pression de la sève a tendance à diminuer – on approche de l’automne.
Nous n’avons pas pu l’expérimenter cette année car les arbres ayant été plantés il y a à peine 4 mois, ils ont très peu poussé. Ce sera pour l’an prochain !
Conclusion : Des arbres fragiles…
Vous l’avez compris, le palissage est une technique qui fragilise les arbres puisqu’on limite leur développement. Le système racinaire est moins profond et rend l’arbre plus vulnérable à la sécheresse. Les tailles répétées sont autant de portes d’entrées pour les maladies. Si l’on veut prolonger au maximum la durée de vie de ces arbres, quelques précautions s’imposent :
L’arrosage de ces très jeunes arbres, surtout en période de sécheresse comme cette année : trop d’eau empêche l’oxygène d’aller dans les racines . Il se produit alors une asphyxie racinaire, les racines ne peuvent pas se développer ni absorber correctement les minéraux et l’azote du sol et les feuilles jaunissent par manque de nourriture. (ce qui explique que peu d’arbres sont adaptés aux sols trop humides, surtout parmi les fruitiers). Il faut certes un sol humide mais aussi un sol qui respire : un bon couvert végétal avec une bonne vie microbienne qui crée des poches d’air ; et laisser sécher entre deux arrosages.
Prévention des maladies en limitant les plaies : toute taille produit une ouverture par laquelle la sève peut s’écouler et les maladies pénétrer dans l’arbre : il vaut mieux tailler souvent et tailler de petites sections. Au verger nous avons décidé de ne pas utiliser de produits phytosanitaires, juste éventuellement quelques remèdes naturels. Nos tailles devront donc être douces. C’est pour cette raison aussi que l’on va tailler le plus possible pendant le repos végétatif, moment où la sève a cessé de circuler et la taille n’occasionnera pas de fuite de sève. Nous apprendrons aussi à observer les bourgeons pendant cette période, et à distinguer les bourgeons à bois ceux à fruits.
Il nous reste beaucoup à apprendre !
Sources et bibliographie
Nous devons à Hugo la grande majorité du contenu : merci à lui pour la richesse de ces apports et son ouverture à nos questions. Pour ceux qui désirent en savoir plus sur le palissage des fruitiers:
Encyclopédie des formes fruitières, Actes Sud
La taille des arbres fruitiers, éditions Ulmer
Et des compléments sur l’utilité des ronces:
https://permaforet.blogspot.com/2014/09/cultiver-avec-les-ronces.html
https://www.pepiniere-aoba.com/fr/arbres-et-arbustes/1049-rubus-ellipticus.html
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